Ressentis et impressions
- Catherine Milkovitch-Riou, 22 février 2014 : « Chers tous de l’organisation du Bistrot de L’histoire Bretagne et guerre d’Algérie, encore en transit à Paris- Aéroport, je tiens à vous remercier chaleureusement pour l’accueil extraordinaire, l’organisation fabuleuse de ce que vous avez fait et du savoir que vous manifestez à l’égard des invités. Je n’oublierai pas les bistrots de l’histoire de Saint-Brieuc, la plage, la maison de l’hôtesse et les covoitureurs. Amicalement ».
- Mustapha Meslem, 23 février 2014 : « Merci pour votre accueil et bravo pour les Bistrots de l’histoire. Toutes mes félicitations à l’ensemble de l’équipe. Ce fut une belle soirée qui devrait se tenir dans d ‘autres régions. Cordialement ».
- Mohamed Zerouki, 22 février 2014 : « Heureux de retrouver la Bretagne et merci pour ce thème. Les Bistrots de l’histoire sur la mémoire. Amicalement ».
- Omar Habib, 22 février 2014 : « Bravo aux Bistrots de l’histoire! Vous avez frappé très fort. Jamais je n’avais entendu des témoignages d’une telle qualité. Bravo également pour l’exposition, dommage qu’elle ait été insuffisamment mise en valeur ».
- Hélène Erlingsen-Creste, 25 février 2014 : « Je tiens à remercier l’ensemble de l’équipe des « Bistrots de l’Histoire », pour son accueil et sa générosité. Je vous écris ces quelques lignes, comme promis, pour faire un bref retour d’expérience par rapport à la soirée thématique sur la guerre d’Algérie, qui s’est déroulée le 21 février 2014, dans une salle du Lycée Freyssinet à Saint Brieuc, en partenariat avec la FOL des Côtes d’Armor. La soirée fut dense, riche en émotions et forte en enseignements. J’ai beaucoup appris, notamment pendant la seconde partie avec Christine Milkovitch-Rioux, directrice du service culturel Université de Clermont-Ferrand. L’exposition était très intéressante, particulièrement pour ce qui concerne les vieilles cartes postales de l’Algérie coloniale. Quelques bémols, toutefois : j’ai regretté que ma participation ait été si courte. J’ai été, personnellement, un peu frustrée d’avoir eu peu de temps pour m’exprimer. Ma rencontre avec Armelle, la fille du général de Bollardière, a été un moment très fort pour moi. J’espère qu’on ne perdra pas contact et je suis toujours à votre disposition pour développer de nouveaux thèmes ».
- Chantal Durand, 25 février 2014 : « Merci encore de m’avoir invitée à cette soirée vivante et très intéressante sur Ecrire la guerre d’Algérie, beau et grand sujet! Bravo à toi Pierre et à ton équipe. Et un grand merci pour le bel hommage rendu à Philippe. Bonne continuation à toi, ta famille et aux bistrots de l’histoire. Amitiés ».
- Armelle BOTHOREL, 25 février 2014 : « Merci vraiment à tous pour la densité et la richesse humaine de ce bistrot de l’histoire. Les jeunes ont été embarqués dans une aventure dont ils se souviendront toute leur vie. Un grand merci, au service culturel de la Ligue de l’enseignement, à Pierre Fenard et à toute l’équipe des Bistrots de vie du pays briochin pour cette extraordinaire aventure ».
- Léna Communier, élève de seconde 6 : « Le thème était passionant. Cette expérience était enrichissante. »
- Margaux, seconde 3 : « Super choix de thème pour cette année, en cours de Littérature et société, un sujet passionnant »!
- Lorine, seconde 3 : « Le thème était bien choisi car il est encore trop peu abordé et pourtant c’est passionnant ».
- S.J, seconde 6 : « Merci à nos professeurs, de nous avoir accompagnés vers ce voyage vers l’Algérie. »
- Elisa, seconde 2 : « Expérience très enrichissante qui nous aura appris énormément de choses ».
- Enora, seconde 2 : super choix de thème, avec des rencontres très enrichissantes ».
- Guillian, seconde 4 : Je suis très heureux et ne regrette absolument pas d’avoir participé à cette soirée! La guerre d’Algérie est un excellent thème pour cette année en cours de Littérature et société ».
- Mohamed KACIMI 15 décembre 2013 : PARLER DE LA GUERRE D’ALGÉRIE AUX LYCÉENS AUJOURD’HUI :
Voilà trois mois que je suis en résidence à Saint-Brieuc, dans les Côtes d’Armor, à l’invitation de la Ligue de l’Enseignement des Côtes d’Armor, Fédération des Oeuvres Laïques
Cette résidence avait pour objectif de mettre en place dans les différents lycées de la ville, des ateliers d’écriture autour de la Guerre d’Algérie.
Les lycéens ont été invités à écrire sur plusieurs thèmes relatifs à la guerre. Leurs écrits seront mis en ligne sur le blog de la Ligue de l’enseignement et une partie de ces textes sera donnée en lecture le 21 février 2014 dans le cadre d’une grande soirée autour de la guerre d’Algérie qui sera organisée par les Bistrots de l’histoire.
Cette soirée réunira des historiens, des enseignants, des acteurs de tous bords. Mais elle sera surtout l’occasion de donner la parole à la génération d’aujourd’hui, des enfants nés après la chute du Mur, écouter quel écho elle a de la Guerre d’Algérie et ce qu’elle pense de ce « devoir d’Histoire » .
J’ai habité durant cette période la Maison Louis Guilloux, un grand auteur de Saint Brieuc, aujourd’hui un peu oublié. Ami de Gide et de Grenier, il avait rencontré en 1947 Camus, venu se recueillir sur la tombe de son père, blessé à la bataille de la Marne et enterré à Saint Brieuc.
La Maison de Louis Guilloux a été acquise par la Ville qui l’a restaurée de fond en comble, effaçant toutes les traces de l’auteur.
Cette opération a été mise en place par la Ligue de l’Enseignement avec des membres de la FNACA Bretagne, Fédération nationale des Anciens Combattants d’Algérie qui ont mis à disposition leurs archives et leurs photos.
Un projet pareil serait insensé en Paca ou dans le Languedoc.
La guerre d’Algérie est au programme des lycées depuis quelques années, mais elle est en option avec la seconde guerre. Bien sûr la plupart des enseignants optent pour la seconde guerre!
Le coup d’envoi a été donné par une intervention d’un appelé, Moïse Rouget, devant des classes de seconde, c’est à dire avec des élèves nés en 1997. Avec une très grande franchise, il raconte son histoire : rappelé en 1956, il se retrouve à la tête d’une section pour protéger des fermes à la Mitidja. Il narre la vie quotidienne des soldats, la peur, la solitude, mais aussi les ratissages, les vols commis par les soldats, la misère des populations algériennes, la torture. Sa vie brisée par cette guerre. Les lycéens l’écoutent sidérés. Pour la première fois de leur vie, ils découvrent un pan inconnu de l’histoire de leur pays.
A la fin de la rencontre les classes restent secouées. La guerre n’est plus une idée abstraite et encore moins un encadré dans un manuel d’histoire, elle est là, sous leurs yeux. Ce qui est émouvant, c’est que Moïse Rouget en parle encore comme si c’était hier.
Il s’emporte, hésite, balbutie… Les questions des élèves sont timides : Vous étiez pour la guerre ? Qu’est devenue votre femme, avez-vous tué des hommes?
Le témoignage de Moïse Rouget reviendra très souvent dans tous les ateliers. Notamment les moments où il raconte comment les opposants à la guerre d’Algérie tentaient d’arrêter les convois des appelés entre la Rochelle et Marseille.
J’ai fait alors travailler les lycéens sur des lettres d’appelés réquisitionnés par les gendarmes en 1956. Il fallait inventer des personnages, des lieux, décrire les moments du départ. Le plus difficile pour les lycéens était d’imaginer un univers d’où seraient absentes toutes les choses qui semblent vitales aujourd’hui: le portable, la télé, le Wifi, Internet, les ordis. D’où ces questions angoissées: Mais comment ils faisaient les gens pour se retrouver sans portable ? Est-ce qu’ils rentraient chez eux le soir alors qu’il n’ y avait pas de télé? Comment s’aimaient-ils sans les sms ?
Comment imaginer une France sans TGV, sans internet, sans SDF, sans autoroutes, sans chômeurs, mais avec beaucoup de pauvres, et surtout très peu de femmes qui travaillent.
Cependant, cet épisode n’est pas aussi loin qu’on le pense. Au fil des ateliers, beaucoup d’élèves ont évoqué des membres de leurs familles qui auraient fait la guerre et certains ont ramené les journaux de guerre de leur grand père.
L’un des moments les plus forts a été la lecture du témoignage de Henri Pouillot sur la torture à la Villa Sesini. Durant quarante ans, cet appelé a gardé le silence, puis il a choisi de parler; il décrit avec précision les séances de torture, les prisonniers couchés sur des tas d’excréments, la faim, la perversité des soldats, le viol systématique des jeunes algériennes et surtout comment de jeunes soldats « gentils » se trouvent aspirés par cette spirale de la barbarie.
Nous retrouverons justement cette thématique abordée dans le très fort film » l’ennemi intime ». Face à ses témoignages plusieurs élèves ont eu cette remarque: on comprend maintenant pourquoi on nous parle tout le temps de la Shoah, parce que c’est facile, les coupables c’est les allemands, mais là, les nazis, c’est nous, les français.
L’objectif de l’atelier n’est ni la contrition ni l’absolution, mais un apprentissage de la réflexion. Pourquoi cette guerre ? faut-il en parler ou pas ? l’oublier ou pas ? Est-elle importante aux yeux de jeunes français en 2013 ? Se sentent-ils concernés ou pas ?
Là, les débats étaient très libres. Mais ce qui importait aux yeux des lycéens c’était l’importance du témoignage humain, certes ils ont lu quelque chose sur l’usage de la gégène sans y accorder trop d’importance mais entendre le témoignage de Pouiillot leur a fait prendre conscience pour la première fois de la réalité de la torture.
Enfin, pour les dernières séances, j’ai donné en lecture les témoignages d’Algériens sur Octobre 1961 sur la police de Papon et les noyades. Là aussi, les lycéens avaient du mal à réaliser qu’en France des policiers puissent balancer dans la Seine des gens désarmés.
Justement c’était l’occasion de rappeler que chaque société porte en elle les germes du racisme et qu’il suffit que la crise s’exacerbe pour que la haine de l’autre se transforme en meurtre.
Bien sûr, nous n’avons pas eu le temps de cerner tous les aspects de cette guerre, le drame des rapatriés, l’histoire de l’OAS, le drame des harkis et surtout montrer aux lycéens ce qu’est devenue l’Algérie aujourd’hui. Mais ce travail n’était pas un cours d’histoire, mais une invitation à la réflexion, car à l’école on ne demande jamais aux élèves leur opinion. C’est aussi une occasion pour les lycéens d’écrire en toute liberté, sans contraintes, sans peur des fautes, ni des règles, ni des conventions.
Au-delà de l’histoire et de la guerre, je tiens toujours à ce que mes ateliers d’écriture servent à faire découvrir aux lycéens qu’écrire n’est pas une punition mais une jouissance, et qu’en oubliant des fois les accords des participes et l’emploi du passé simple on découvre soudain le merveilleux paysage de l’écriture buissonnière.
Enfin, de ces mois passés à Saint Brieuc ville très attachante, il me restera peut être cette phrase d’une jeune fille du lycée Ernest Renan après avoir entendu le témoignage de Henri Pouillot
» Monsieur, au lycée on oublie tout ce qu’on apprend, mais ce témoignage là, on ne l’oubliera jamais ».
Mohamed Kacimi – Saint Brieuc 15 décembre 2013