L’émission Hors-champs, diffusée le 26 janvier 2014 : lien vers le podcast
« Je crois qu’on ne peut pas ne pas aimer Alger, c’est impossible (…) C’est un amour pratiquement immédiat… ». Pour sa beauté, et au-delà pour « la vie qui est là », son histoire, sa lumière « incomparable »…
« La beauté d’Alger, je l’ai comprise à partir du moment où je suis venue y vivre… », dès l’âge de ses dix ans, en pleine tragédie nationale et familiale. Son père venait d’être tué pendant la guerre de libération nationale… Elle raconte son arrivée, le passage du village à la capitale, nous parle de sa mère… « C’était très difficile à l’époque : une femme élévant seule ses enfants, dans un contexte de guerre, dans la solitude et dans les difficultés… » Aujourd’hui encore, elle est émerveillée par ce « courage », cette « force de caractère » d’une mère qui l’a poussée à faire des études, une idée loin d’être évidente à l’époque…
Elle nous parle de la relation avec les pieds-noirs, des exactions de l’OAS qui visèrent sa famille, la division entre quartiers « européens » et « arabes »… Même adolescent, « on ne pouvait pas ne pas comprendre les enjeux… »
Elle nous parle du général De Gaulle, de ses souvenirs de l’époque croisant l’histoire nationale, des manifestations réprimées du 8 mai 1945, de l’action de Germaine Tillon, d’Albert Camus… « Lui même n’y croyait pas réellement. Il aurait aimé pouvoir y croire… »
Elle revient sur la vie des intellectuels algériens, suite de cycles « d’endeuillement », de « libération » et ainsi de suite… « Il y a toujours en arrière-plan cette espèce de peur de quelque chose qui va nous tomber dessus… »
Les événements de janvier 2015 en France ont été un choc pour elle, car ils l’ont ramenée à la décennie sanglante des années 1990, où les intellectuels, les journalistes étaient particuliérement visés… « Un événement comme celui-là, et tout redevient actuel, possible et c’est ça qui nous fait peur… »
Elle s’exprime sur cette « volonté de ne pas nommer les assassins » des années 90 : « il y a cette espèce de blanc volontaire, une espèce d’amnésie voulue, commanditée (…) Les choses ne peuvent pas passer (…) Ce sont des plaies qui sont encore à vif et que les événements actuels sont en train de raviver… »
Elle évoque enfin ses textes autour des enfants, comme dans la pièce de théâtre « On dirait qu’elle danse », autour du suicide d’une petite fille…
Où réside l’espoir, en 2015 ? « On a envie d’y croire. Parce qu’il y a peut-être quelques signes qui nous donnent cet espoir, des petites lumières comme ça, qui jaillissent dans des lieux improbables … »
Semaine spéciale à Alger : Laure Adler s’entretient avec Maïssa Bey, romancière, essayiste, poétesse, dramaturge
Publié: 28 janvier 2015 dans Non ClasséTags:Algérie, lecture, podcast
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